Comment je n’ai pas tué mon père et combien je le regrette – Mateusz Pakula
Dans ce roman protéiforme, l’auteur utilise différents genres littéraires pour raconter la fin de vie de son père à laquelle il a assisté, souvent impuissant à son grand dam tout en essayant de le soulager du mieux qu’il le pouvait. Il commence son récit par la pièce de théâtre qu’il écrivait quand il a appris la maladie de son père. Il y raconte les difficultés que rencontrent les deux protagonistes, Philip K Dick le maître américain de la science-fiction et Stanislas Lem lui aussi adepte de science-fiction mais en Pologne où il vit à cette époque, pour enfin pouvoir se rencontrer. Une saynète satirique évoquant les tracasseries administratives imposées par le régime soviétique quand il dominait la Pologne de sa poigne de fer et la paranoïa de l’auteur américain.
Au fur et à mesure que la maladie de son père évolue : chimiothérapie ambulatoire, rémission, espoir, rechute, désespoir, soins palliatifs dans un milieu catastrophique, retour à la maison et phase terminale à l’hôpital, le genre littéraire du livre évolue passant du théâtre au récit romanesque puis au journal intime dans lequel il insère de courts essais et de brefs récits sur la politique de santé en Pologne pendant et après le régime soviétique, la maladie, la fin de vie, l’accompagnement des mourants, la perte des êtres chers, la mort, le deuil…
Le texte qu’il a écrit tout en veillant sur le patient est comme une mise en abyme dans le texte où il raconte la fin de vie de son père. Il ne croit pas en une science infaillible ayant réponse et solution à tous les problèmes du monde, il s’interroge sur un texte qu’il avait écrit longtemps avant qui lui semble maintenant prémonitoire.
Ce décès et toute la période qui l’a précédée est pour l’auteur et sa parenté une véritable épreuve au cours de laquelle les membres de la famille réagissent différemment selon leur âge et leu tempérament. Certains vont parfois jusqu’à l’affrontement verbal pour affirmer et extérioriser leur douleur personnelle qu’ils ont souvent du mal à partager avec les autres, croyant la leur plus sincère et plus vive. L’auteur après avoir déplorer avec colère les carences et l’incurie du système de santé en Pologne, trouve dans ce décès prématuré, le père était encore relativement jeune au moment de sa mort, une raison de remonter le fil de sa vie et de reconstituer l’histoire de sa famille, celle qui l’a façonné et qui façonnera encore la vie de ses deux enfants.
Ainsi, il profite de cette assemblée familiale pour s’isoler avec sa grand-mère paternelle qui lui raconte comment son père à elle l’a emmenée en Allemagne en 1942 avec toute sa famille sous l’influence d’un intermédiaire polonais pour travailler dans un grande ferme où, dit-elle, ils n’ont jamais été maltraités. Un genre de récit mémoriel que la grand-mère tire de sa mémoire défaillante et que l’auteur place ici pour contredire certains jugements trop rapides ou certains raccourcis trop faciles. Tous les Allemands n’étaient peut-être pas tous des nazis ?
Un texte qui aborde plusieurs sujets dans des formes différentes : la littérature, le théâtre, la politique, la santé, la mort, la fin de vie, le deuil, l’histoire familiale, l’héritage génétique et psychologique, … Un livre riche qui dit beaucoup et fait beaucoup réfléchir notamment sur l’euthanasie que l’auteur avait promis à son père de pratiquer pour abréger son insoutenable douleur, il n’a pas pu tenir cette promesse et culpabilise très fort.
Editions de l’Aube
C’est certainement « riche », je dirais. Généreux, avec ces styles différents et cet itinéraire douloureux qui conduit pourtant à ce qu’on pourrait appeler une lumière…
Hello Patoo !
C’est un livre complexe mais plein de bon sens, je l’ai présenté hier soir à mon club de lecture. C’est comme tu le dis très bien un itinéraire particulier. L’auteur son milieu littéraire, la maladie et la fin de vie de son père, les réactions familiales très diverses, sa colère envers les croyances religieuses et surtout l’euthanasie qu’il n’a pas pu offrir à son père. Il a aussi conclut son texte avec l’expérience de sa famille partie travailler en Allemagne en 1942 où elle a été bien accueillie, bien traitée et où elle à même noué des relations amacales avec con « bauer ». Merci de ce com, bisou et amitiés à Adolfo !