Un fils de boucher à petites lunettes – Tom Lanoye
Cet ouvrage édité pour la première fois en 1985 est considéré désormais comme le premier tome de la trilogie de Waes, région natale de l’auteur, dans laquelle il raconte son enfance à Saint-Nicolas et sa relation avec son frère préféré, celui qui lui a appris les choses de la vie et qui s’est tué au volant d’une voiture alors qu’il bien trop jeune pour mourir. Ce livre se compose en quatre parties : la première qui évoque l’enfance, la deuxième qui raconte la vie du couple Alice et Jules, la troisième qui met en scène l’épopée d’Achille le surdoué et la quatrième qui évoque comme dit ci-dessus la vie et la mort du frère préféré.
Ce texte mêle réalité autobiographique et narration fantastique, ainsi dans le premier récit, un aïeul vient réveiller la mère en pleine nuit, alors qu’elle est enceinte de l’auteur, pour lui demander d’éduquer son fils pour en faire un bon boucher et non pas un intello à petites lunettes cerclées. Il est le dernier espoir de la famille, celui qui éviterait la vente de l’affaire à des autres. Cette histoire entre réalité et fantasme est la biographie de Tom quand il était enfant chez ses parents bouchers à Saint-Nicolas. Cet aïeul qui joue le rôle d’archange Gabriel est un ancêtre décédé depuis longtemps, dans le monde de Tom les vivants et les morts cohabitent sans problème.
Le deuxième texte évoque la vie de Jules et Alice, deux êtres ayant peu de points communs et qui pourtant se sont épousés. Jules est garagiste pour développer son affaire il fait du dépannage sur autoroute où il récolte des épaves et des pièces détachée qui lui servent à monter une casse automobile qui lui rapporte de l’argent. De la pièce détachée, il passe aux diverses collections qui envahissent la maison jusqu’à ce qu’Alice explose et lui demande plus de présence à la maison, il accepte jusqu’au jour où il fait un dépannage qui lui est fatal. Il reste très handicapé mais Alice ne cède pas, elle veut le soigner…
Le troisième texte est consacré aux exploits d’Achille, un véritable surdoué qui apprend à lire de plus en plus vite jusqu’à lire un livre en quelques secondes. Il développe son art et se propose de lire tous les livres existant dans le monde, ce qu’il pense avoir réalisé mais un le premier bibliothécaire qui lui a fourni des livres l’appelle pour lui signaler un livre qu’il n’a pas lu. Il accepte de le lire et il constate avec effroi que ce livre est le livre de sa vie, qu’il s’écrit au fur et à mesure que son existence s’écoule. Il est terrorisé de voir le nombre pages blanches diminuer bien trop vite à son goût.
Le quatrième chapitre revient vers l’histoire de la famille Lanoye, Tom y raconte sa vie avec son frère préféré celui qui lui a tout appris et qui s’est tué dans un accident d’automobile causant une profonde tristesse dans la famille surtout dans le cœur de Tom. Dans ce livre très vivant écrit dans une langue vive, alerte, imagée, colorée, pleine de formules acérées, Tom dresse une satire humoristique mais bien sentie de notre société, de ses inventions pas toujours très utiles et de ses nombreux travers. Il jette un regard écologique sur ce monde en déroute et profère un véritable recueil de sentences, maximes, morales, … à l’adresse de la société de la fin du siècle dernier et du début du présent. Il termine son propos sur un geste de désespoir fantastique mais bien réel dans sa signification.
Dans ce texte, les vivants et les morts conjuguent leurs visons de la société dans un même élan pour dénoncer les travers évoqués ci-dessus et les perspectives possibles pour la planète. J’ai apprécié ce moment de nostalgie où j’ai retrouvé de nombreuses vedettes de mon enfance, beaucoup de routiers sprinters flahutes qui raflaient souvent la mise dans les courses cyclistes et des chefs d’état et hommes politiques que je connaissais moins bien.
M.E.O.