03 novembre 2023 ~ 0 Commentaire

Le vieil homme et l’étrangère – Nikos Kokàntzis

Nombreux sont ceux qui ont longtemps cru, certains le croient même encore, que Kokàntzis était l’homme d’un seul livre, qu’il n’était pas réellement un écrivain, qu’il avait seulement voulu témoigner de la formidable histoire d’amour, cruellement abrégée par les Nazis, qu’il avait vécue avec Gioconda. En publiant ce recueil édité en Grèce en 2011, Marion Hennebert nous rappelle qu’il a écrit d’autres textes et que s’il n’a pas eu une grande production, il a tout de même publié quelques textes qui méritent toute notre attention. Selon la postface de la traductrice, Hélène Zervas, ce recueil se compose de textes très disparates : une fable, trois scènes de la vie de province, un récit onirique, deux textes fantastiques et un livret d’opéra qui décrit l’amour entre Nikos et Gioconda jusqu’à l’arrestation de le jeune fille par les SS, une mise en scène de la célèbre nouvelle.

Evidemment avec ce livret d’opéra consacré à son triste sort, Gioconda est très présente dans ce recueil, on la rencontre sous les traits de jolies femmes, d’héroïnes d’histoires d’amour impossible, sous la forme métaphorique d’un animal, comme la petite souris qui s’offre au chat, ou d’une jolie plante, une tulipe. Elle est présente surtout par tout ce qu’elle a laissé dans la mémoire de ceux qui ont lu sa terrible histoire qui conjugue l’amour le plus pur avec la violence la plus brutale, la plus sadique, la plus inacceptable. Comment l’oublier quand on lit cette chute : « …Et pourtant, elle devait mourir », toute la fatalité qui inonde l’histoire de Gioconda.

Mais Kokàntzis n’est pas seulement l’auteur de l’histoire de Gioconda, il a un réel talent d’écrivain qu’il sait mettre à la disposition de différents genres littéraires. Il écrit avec bonheur des textes insolites, des textes d’un parfait cynisme, il décortique la perversion humaine, la cruauté, l’inéluctabilité de la sentence avec précision. La fatalité qu’il a connue avec sa belle amoureuse colle aussi à sa plume et revient souvent dans ses chutes comme les travers qui sont souvent l’apanage des de ceux qui ont détruit la famille de son amour et de tellement d’autres.

Cette lecture ne me laisse qu’un doute celui de l’âge réel de Kokàntzis, les auteurs, traducteurs, éditeurs et autre situent sa naissance soit en 1927 soit en 1930. Je ne sais laquelle retenir, 1927 me semblerait plus judicieuse si on accepte le fait que Gioconda, sa cadette d’un an, a été déportée en 1943 donc à l’âge de quinze ans ce qui est encore bien jeune pour connaître l’amour sous toutes ses formes. Si Nikos était né en 1930, Gioconda aurait alors eu entre douze et treize ans quand elle a vécu son amour avec lui, ça me semble un peu jeune même si… l’amour est un grand mystère qui ne se commande pas.

L’Aube

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