Images d’archives – Jean-Jacques Nuel
Dans ce recueil composé de poèmes de dix à vingt vers tous teintés d’une douce et mélancolique nostalgie, Jean-Jacques raconte comment il a parcouru sa vie en arpentant les routes, autoroutes, gares, aéroports, et autres axes de transport. Pourtant, il semble encore bien jeune, même plus que moi, pour se livrer à cet exercice, Certes la vie a changé depuis qu’il est né dans la capital des Gaules, « en déroulant le fil / d’actualité de Facebook / tu mesures à quel point / tu n’es plus de ce monde /… ». Il ne reconnait plus la ville où il est né, celle qui restera à jamais sa ville, sa maison natale n’est même plus identifiée, elle est fondue dans un de ces temples du monde moderne dédié au dieu commerce. « le nom ne figure plus / sur la boîte aux lettres au 17 / de la grande rue / piétonne / et le café en bas / de l’immeuble a laissé place à une boutique / de prêt-à-porter / les souvenirs sont coupés / de leurs racines / … ».
Comme je l’ai dit plus haut, Jean-Jacques est un peu plus jeune que moi, j’ai donc traîné mes baskets là où il est passé, l’A6, l’A7, la Gare de Lyon à Paris, l’aéroport Saint-Exupéry, où il faut traverser la zone commerciale avant d’accéder aux portes d’embarquement, un hôtel près de la gare de Lyon mais pas l’Ibis, celui qui est en face que je fréquente depuis quelques décennies, nous nous sommes peut-être croisés sur le boulevard Diderot … ? Nous avons connu la même époque, les mêmes lieux et certainement quelques personnes, au moins celles qui ont brillé sous les feux de la rampe. « … / c’était leur destin / de vivre sous les projecteurs / le tien était de rester dans l’ombre / et de mener une vie ordinaire / … », tout comme le mien.
Certes, Jean-Jacques est encore jeune mais il est déjà assez mature pour jeter un œil sur la vie qu’il a mené et qu’il a plus subie que dirigée, « … / c’est comme si un taxi / m’avait emporté à la naissance / me conduisant ci me conduisant là / sans que je n’aie rien demandé / … ». Et pour mesurer tout ce qu’il a abandonné en cours de route, surtout ses belles illusions, « comme les brouillards matinaux /sous l’action du soleil / les illusions se dissiperont / sous la lumière blessante / d’une lucidité tardive /… ». Ce bilan comporte certes un peu d’aigreur, de déception, de désillusion, …, même sur le plan littéraire où les poètes d’aujourd’hui ne parviennent pas à faire oublier ceux d’hier et même d’avant-hier. « … les poètes d’aujourd’hui ne manquent pas / les lectures publiques font salle comble / mais où sont les talents d’antan » ?
Ce bilan n’est cependant pas exempt de quelques jolis souvenir : amourettes passagères, amours qu’on croit pour toujours et des aventures interdites qui laissent courir de biens agréables frissons par tout le corps. « … / ils goûtaient le frisson / des couples illégitimes / et les heures volées / à l’emploi du temps / … ». Et pour solder le tout, Jean-Jacques se moque bien gentiment des lieux communs qui encombrent désormais notre langage :malgré leur allure de formule philosophique : « Niveau zéro » dans les parkings, « Tout doit disparaître » régulièrement sur de nombreuses vitrines. Les marchands ont détourné le langage.
Editions du Petit Pavé