16 mars 2023 ~ 0 Commentaire

Digue de Cuesme, quatre-vingt-deux – Carine-Laure Desguin

Carine-Laure, je la connais bien, pas tellement parce que je l’ai rencontrée une fois mais surtout parce que j’ai lu plusieurs de ses livres, une douzaine au moins dans différents genres littéraire. Ils m’ont bien plus appris sur elle que les quelques paroles que nous avons pu échanger, un peu trop rapidement, lors d’une foire aux livres. Et, le dernier que j’ai trouvé dans la revue Les Chants de Jane, éditée par le Grenier Jane Tony, m’en a encore plus appris sur sa famille, son arbre généalogique, ses rapports avec son cousin…  Elle a écrit son histoire avec ce cousin sous la forme de poèmes rassemblés en un recueil qui constitue le présent numéro de cette revue.

Dans sa préface très pertinente, Eric Allard cerne bien le sujet de ce recueil quand il écrit, « Dans cette histoire d’une vie de rien, celle d’un cousin, rieur et viveur, presque un frère, avec lequel elle a partagé des jeux, des joies d’enfance … Carine-Laure traque la poésie là où on ne la soupçonne pas toujours ». Dès ses premières lignes, elle campe le paysage, le cher cousin, l’ami d’enfant, le frère de jeux, n’est plus, « Tu ne liras pas / mon chant de Jane ». Le ton est donné le recueil est tristesse d’avoir perdu un être aimé ; colère de l’avoir perdu de cette façon ; rage de n’avoir pas pu le sauver et dépit de se retrouver seule sans lui qui s’est laissé emporter par un mal génétique qu’il a refusé de soigner. « … / aujourd’hui je le dis / ton vieux avait en lui quelque chose / d’Antonin Artaud / … ».

Carine-laure laisse tomber le masque, sans pudeur inutile, elle raconte son enfance avec ce cousin, leur vie d’ « enfants sauvages libres et nus / accrochés à l’insouciance des années soixante » ; la démence véritable fatalité génétique ; le laisser aller, la crasse, la puanteur, le désordre ; les rendez-vous manqués, … Et « moi je gueule ma hargne / je vomis ma colère / voir tout ce gâchis / y’a pas de mots vraiment /… ». Boule, c’est le surnom du cousin, est mort de sa démence, elle ne le verra plus, elle ne pleure pas, elle ne se plaint pas, elle hurle de rage, de colère, de dépit d’avoir été impuissante devant sa déchéance.

Aujourd’hui, cette douleur, elle l’a met dans ses mots, dans ses vers, dans ce Chant de Jane, dans une écriture vive, ardente, enfiévrée, que Boule ne lira hélas jamais. Ce texte est constitutif d’un deuil qui n’est pas fait mais qui est en marche vers une résilience pas encore possible mais espérée. La poésie nichée jusques dans la souffrance, l’insouciance, la nonchalance et même l’inconscience sera certainement le moteur de l’acceptation et de la résignation nécessaires à ce deuil.

Grenier Jane Tony

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