Présence au monde, plaisir d’exister – Jean-Pierre Otte
J’ai découvert Jean-Pierre Otte en lisant son P’tit Cactus, « La bonne vie » un titre qui a lui seul pourrait déjà résumer cet écrivain et peintre au talent protéiforme et à la culture aussi vaste qu’un domaine en Quercy. Ces impressions ont été totalement confirmées par tous ses amis qui ont participé au bel hommage rendu par la revue Traversée avec l’édition d’un numéro spécial particulièrement élogieux. C’est donc avec une certaine impatience que j’attendais la lecture de ce recueil de chroniques, j’avais très envie de retrouver l’ami chaleureux, l’amoureux de la nature, l’auteur inspiré et le peintre talentueux dépeint par les artistes réunis pour rédiger l’hommage qu’il méritait tant.
Dans ce recueil Jean-Pierre Otte démontre tout le talent que j’avais déjà découvert dans les deux ouvrages cités ci-dessus : le contemplatif qui s’enthousiasme devant le moindre brin d’herbe qui est pour lui une merveille pure, l’ami nostalgique, le compagnon de tous les souvenirs qu’il décrit avec son grand talent littéraire mais aussi avec beaucoup d’émotion. Cette évocation de son enfance en Ardennes belges est un véritable bain de jouvence, il raconte avec tellement de douceur, d’émotion, d’empathie le pays qui l’a vu naître et grandir, ceux qu’il a aimés, sa famille et ses amis et quelques femmes accortes, et tous le petit bestiaire qui peuplait les plaines et les bois environnants.
En lisant ce livre j’ai senti mon environnement se dissoudre progressivement, s’effacer, laisser la place à cet autre monde où enfant j’inventais, seul ou avec les gamins de mon quartier, des aventures fabuleuses, héroïques, rocambolesques, des aventures qui n’avaient rien à voir avec celles que nous avons vécues l’âge adulte venu. Nostalgie ! Nostalgie !
Ce recueil comporte aussi des chroniques relatant les impressions et sensations qu’il a ressenties lors d’un séjour dans le Sud-Ouest. Mais la partie la plus conséquente et peut-être la plus riche est celle qu’il consacre à sa vision de la littérature, aux auteurs qui l’ont fait vibrer. Là encore, j’ai retrouvé des émotions, des sensations, des idées que je partagerais volontiers. Et pour clore ce copieux recueil, Jean-Pierre Otte ajoute une série de réflexions, parfois générales, parfois très précises, sur l’existence et les aléas de la vie.
Ces chroniques sont de véritables poésies en prose, le vocabulaire en est particulièrement riche et j’ai beaucoup apprécié la volonté de l’auteur de réintroduire dans son langage des mots que certains jugent désuets et qui ont presque disparu malgré leur grande précision et leur saveur littéraire. L’auteur attache une grande importance aux mots tout comme au langage et à sa relation avec la terre, le terroir et même la gastronomie. Ils forment ensemble notre patrimoine identitaire et culturel, ils constituent l’empreinte de nos corps, le fond de notre pensée et la sensibilité de nos cœurs.
Ce recueil pourrait être l’ébauche d’un texte testamentaire que Jean-Pierre écrira peut-être dans des années que nous espérons encore très lointaines. Je me souviens d’avoir écrit à l’occasion d’une autre chronique les quelques mots ci-dessous qui me semblent de plus en plus de circonstance. « J’adopterais volontiers toute la philosophie contenue dans la quasi-totalité des pensées qui figurent dans ce recueil, tant elles m’ont semblé emplies de sagesse, de bon sens, de détermination et de clairvoyance, … ».
Le temps qu’il fait