L’heure des olives – Claude Donnay
Nathan simule un burn out pour quitter son job et retrouver sa liberté, sa femme est en train de le quitter, il se sent un peu coupable. Il ne veut plus de cette vie avec une belle famille qui ne connait que deux préoccupations le pouvoir et l’argent, une sœur qu’il ne voit presque plus et un job qui ne le passionne nullement. Il rêve d’une vie simple et authentique, il ne veut plus des faux semblants et des artifices. Sa sœur réussit à l’emmener à la campagne pour un week-end de détente où il rencontre Alex, une femme plus âgée que lui qui l’attire franchement, elle l’entraîne en balades dans la campagne où ils finissent par se séduire mutuellement.
Il a menti à Alex, Alexandra, elle lui a menti elle aussi, ils ont inventé des personnages compatibles pour vivre une aventure en cachette, loin de leur monde réciproque. Mais leur histoire bascule quand Nathan, voulant en savoir plus sur sa belle, découvre qu’elle est avec sa collègue une égérie du monde parisien de l’édition, qu’elles font et défont les carrières littéraires des plus grands auteurs. Alors pour l’épater et redorer son image personnelle, il lui dit qu’il écrit et le prouve en lui adressant, sous son nom, le manuscrit que son père a écrit. Hélas, pour lui, ce texte est très bon, il est promis à une belle carrière éditoriale ! Nathan bascule alors totalement dans une double vie, dans un imbroglio insoluble dont il ne pourra sortir qu’à l’aide d’une écrivaine qui le confie à son père.
Ce texte d’une très grande richesse comporte plusieurs entrées, c’est tout d’abord une réflexion sur le mensonge, le mensonge provoqué par les vices de notre société où il faut souvent mentir pour ne pas perdre la face et tout ce qui s’en suit. Nicole trompe Nathan qui le quitte, Alex ment à Nathan sur sa double vie, …, mais c’est surtout Nathan qui ment à tout le monde (employeur, épouse, famille, …) en laissant croire qu’il souffre d’un « burn out » mais aussi à son père à qui il a volé son manuscrit pour le faire éditer sous son pseudo personnel. L’auteur semble se demander comment peut-on vivre dans notre monde en disant toujours la vérité ? Est-elle seulement bonne à être toujours dévoilée ?
C’est aussi un livre militant où l’auteur à travers le récit escroqué au père qu’il plonge en abyme dans l’histoire de Nathan – ou peut-être est-ce l’histoire de Nathan qui tombe en abyme dans le récit paternel ? – défend farouchement la cause de ceux qui aident les migrants à trouver un meilleure vie dans un monde où ils sont contraints de se réfugier sans y être acceptés.
On peut y voir aussi une belle image de la femme moderne, libre, indépendante, chargée de haute responsabilité : Nicole est une executive woman, Pénélope et Jasmine règnent sur le monde littéraire germanopratin, Pénélope et Nicole ont des amants de passage, Ludmilla et Ingrid sont des artistes reconnues. Toutes sont des femmes séduisantes et entreprenantes qui n’hésitent pas à séduire quand elles en ont envie, ce sont elles qui décident ! Ce livre est aussi un « témoignage » sur l’écriture et le cahoteux parcourt que doivent emprunter ceux qui veulent recevoir la reconnaissance de l’édition qui n’est hélas, pour bon nombre, qu’une illusion éphémère.
Mais, à mon avis, ce roman est avant tout un grand texte sur l’amour, pas toujours possible, mais l’amour sous toutes ses formes : Nicole et Nathan aurait pu construire un bon couple mais la barre parentale était trop haute, Pénélope a aimé John, Ludmilla aime Ingrid, Côme tombe amoureux d’une migrante, … Et l’amour n’est pas que sexuel, il existe aussi entre le père et le fils, le frère et la sœur et il peut se muer en amitié comme entre Nathan et Anton. Mais ce roman est avant tout un grand roman d’amour impossible, une histoire d’amour comme il n’en existe que dans les grandes œuvres littéraires qui surpassent les temps.
M.E .O.
Merci Denis ! Quelle belle lecture, sensible, précise ! Cela me fait un grand plaisir !
Quand le texte est bon la lecture est riche et il est facile de la rapporter !