13 août 2020 ~ 0 Commentaire

Le ciel sous nos pas – Leïla Bahsaïn

Cette histoire, inspirée peut-être par celle de l’auteure, raconte la vie qu’une jeune fille marocaine a menée entre la Place de la Dame Libre où elle résidait dans une ville du nord du Maroc et la cité des Petits Nègres où, après le décès de sa mère, elle a échu auprès de sa sœur dans la région parisienne. La vie entre la liberté que sa mère célibataire revendiquait malgré les contraintes sociales et religieuses imposées par la société marocaine et la vie dans la discrimination qu’elle a découverte dans cette ville dont elle a longtemps rêvé, qu’elle croyait le « nombril du monde ».

L’auteure raconte sa mère, femme libre, trafiquante, éducatrice sévère, intraitable sur l’instruction et sa sœur très vite mariée avec un jeune homme de l’émigration qui l’emmène de l’autre côté de la Petite Mer. Elle était bonne fille et bonne élève mais n’était pas très obéissante, elle se permettait des libertés que la mère n’aurait jamais acceptées. La mort de cette dernière, l’oblige à rejoindre sa sœur qui réside dans un quartier populaire, elle découvre alors la vie dans les cités parisiennes, ou de la proche banlieue, sans se laisser intimider toujours aussi déterminée et décidée à s’en sortir par les études. Il lui faut toujours conjuguer les règles du quartiers, de la communauté et de la société avec ces fichus hormones que les filles doivent maîtriser mais que les hommes peuvent laisser déborder. Elle croit cependant en la liberté même si « la liberté ne se vend pas sur un rayon de supermarché non plus. La liberté se gagne et se paye à la sueur du corps ».

Cette histoire, au moins en partie autobiographique, décrit une société où la politique et la religion sont étroitement mêlées sans jamais réellement pouvoir définir leur territoire et compétences respectifs. D’autant plus que la société de consommation à outrance qui sévit au Maroc comme ailleurs, perturbe encore plus les mœurs et les coutumes. Cette confusion, les expatriés et les migrants l’ont transportée dans les cités où ils ont été entassés sans autres formes d’intégration. C’est l’histoire de la débrouille, du fort contre le faible, mais aussi celle de l’intégration par l’instruction et la culture et, hélas, aussi celle de la manipulation des faibles et des incultes par les extrémistes. C’est le triste sort des pays et des cités où « On vous sert une éducation dépouillée de toute culture, … ! On vous enfonce dans le culte de la consommation et on vous enferme dans une pensée prête à porter ».

Leïla écrit son texte avec verve, gouaille, humour, dérision, évoquant le langage imagé, vif, rapide des cités, les formules fulgurantes fusent à longueur de pages, mais elle les enrobe dans une belle culture littéraire, elle connait ses classiques, elle connait la langue et ses formules de styles, j’ai remarqué quelques allitérations et zeugmes fort bien venus. Leïla ne fait aucune concession, elle dit ce qu’elle voit, ce qu’elle vit, ce qu’elle pense, la réalité de la situation que les émigrés connaissent aujourd’hui, Elle ne cherche pas à défendre l’un ou l’autre, elle dénonce tout ce qui ne marche pas, elle réfute tous les faux semblants et hypocrisies d’où qu’ils viennent. Elle n’évoque qu’une croyance, celle en l’instruction qu’elle dévoile en évoquant son investissement pour l’alphabétisation des femmes dans son pays natal. « Chaque écrivain est un poète qui livre une vérité du monde. Le mot écrit n’a rien à voir avec le mot dit. Le mot dit est volatil, il bascule vite dans la grande consommation et le fast-food ».

Albin Michel

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