13 mai 2020 ~ 0 Commentaire

L’histoire de Chicago May – Nuala O’Faolain

Dans ce roman, Nuala O’Faolain raconte l’histoire de sa compatriote Chicago May, la célèbre aventurière, prostituée, détrousseuse, voleuse, arnaqueuse, …, après avoir lu sa biographie écrite par James MacNermey, et l’autobiographie rédigée par May Duignan, nom de naissance de Chicago May, elle-même. L’une étant écrite franchement à charge, l’autre étant très subjective, il était nécessaire pour Nuala de faire revivre cette héroïne sous son vrai visage, dans ses véritables forfaits et à travers ses authentiques aventures. Née à Edenmore, May fuit sa famille et son pays en emportant les économies du foyer, pendant que sa mère accouche de son cinquième enfant. Peut-être qu’elle ne voulait pas élever un bébé supplémentaire pendant que sa mère travaillait à la maison et à la ferme. Avec une bourse bien garnie, elle voyage en première classe, loge à Manhattan mais doit bientôt rejoindre un oncle dans le Nebraska où elle rencontre un hors-la-loi qu’elle épouse et accompagne dans ses mauvais coups. A cette époque, elle croise des bandits devenus légendaires dans le Far West comme les frères Dalton. Après que son mari est lynché lors d’un hold-up ayant mal tourné, elle se réfugie à Chicago pendant l’exposition de 1901, l’époque des célèbres gangs, où elle gagne son pseudonyme, découvre la prostitution et l’escroquerie des « pigeons » qui succombent à son charme.

Sous la pression de la police, de l’Agence Pinkerton, d’autres voyous, elle change souvent de résidence, de quartier, de ville, de pays et même de continent. Elle entreprend un long pèlerinage en commençant par New-York où elle connait la misère et une certaine forme de gloire en intégrant la troupe d’une revue. Elle voyage à travers le monde de la voyoucratie, tisse sa légende en volant, escroquant, détroussant, vendant ses charmes. Elle appartient à la corporation des voyous qui ont contribué à la légende de la conquête de l’Amérique. Elle a connu le grand banditisme, mais n’a fréquenté que les voleurs et les arnaqueurs, ceux qui n’avaient aucun scrupule pour s’enrichir rapidement sur le dos des moins vigilants. Ceux qui aujourd’hui encore ont besoin d’une arme pour se rassurer et votent pour des candidats pas toujours très recommandables.

Nuala O’Faloain coule la légende de Chicago Mays dans le moule corporel de cette fière irlandaise, elle donne chair et esprit à cette aventurière qui n’a jamais pu s’installer, a continuellement couru après les quelques dollars, livres, francs, qu’elle dépensait encore plus vite qu’elle les avait gagnés. Ce roman, c’est une page de l’histoire du banditisme international au temps de la naissance de l’Amérique, des Dalton, de Chicago à l’époque des gangs, de New-York au moment où la ville explose, des bordels du Caire et d’Alexandrie, des maisons closes de Londres et Paris et d’autres lieux mythiques encore…

Ce livre c’est aussi, un peu, un essai, une étude historique et sociologique, d’une population déracinée composée surtout d’Irlandais fuyant leur terre martyrisée par les Anglais.  Une population évoluant dans la misère ou le luxe, quittant un taudis pour rejoindre un palace avant de finir en prison ou au bagne, vivant dans la plus grand dénuement dans des lieux sordides avant de se vautrer dans l’opulence et de retomber tout aussi vite dans la déchéance la plus misérable. Une population fière et hardie, aventureuse vivant au jour le jour en affichant avec arrogance un prestige et une fortune qu’elle n’avait pas.

Nuala n’aime pas cette population incapable de prévoir son avenir, mais elle en a pitié et éprouve pour elle une certaine compassion. Chicago May l’agace, c’est évident, mais elle voit en elle de nombreuses filles d’Erin obligées de quitter leur île en espérant trouver une vie possible et digne ailleurs et cet ailleurs c’est d’abord l’Amérique avec ses grands espaces qui s’ouvrent largement aux aventuriers courageux et aux téméraires. Elle laisse transparaître une véritable empathie pour cette fille à la recherche perpétuelle d’une vie stable qu’elle est incapable de mener. Son texte oscille sans cesse entre fascination et compassion, comme si elle regrettait que cette fière fille d’Irlande n’ait pas su utiliser sa forte personnalité pour imposer son choix de vie aux lâches qui l’ont exploitée, pour canaliser son énorme énergie, pour se garder des malfaisants, pour vivre un peu moins dans le présent pour anticiper un peu plus l’avenir. Nuala n’arrive pas à cacher tout ce que May évoque pour elle, tout ce qu’elle remue en elle, … et finalement elle rejoint James MacNermey quand il refuse de masquer la vérité tout autant que d’accabler la pécheresse :

« L’approche la plus charitable du sujet est peut-être de murmurer une prière pour elle et de ne pas la juger ». Ainsi soit-il !

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