12 décembre 2019 ~ 0 Commentaire

Un sandwich à Ginza – Yokô Hiramatsu

L’auteure, critique culinaire de profession, revisite dans cet ouvrage les chroniques qu’elle a écrites pour une revue japonaise. A mi-chemin entre un recueil de recettes de cuisine et un guide de voyages gastronomique, cet ouvrage se présente comme une déambulation gourmande dans les établissements de Tokyo et autres villes réputées pour leur tradition culinaire. Il « rassemble les douze premiers épisodes d’une série publiée dans la revue All Yomimono sous le titres « Saveurs d’aujourd’hui ». Il est parsemé de dessins présentés comme les cases d’une bande dessinée matérialisant les plats que l’auteure essaie de décrire avec la plus grande précision. Yokô Hiramatsu, l’auteure, remercie très chaleureusement le dessinateur : « Les mots ne suffisent pas à exprimer ma gratitude à Taniguchi Jirô, qui a accepté d’illustrer cet ouvrage. Chaque trait et chaque blanc de ses dessins lui insufflent une puissance indicible ».

Chacune des chroniques présentées est composée d’une description très sensuelle du lieu où l’auteure a mangé ou bu ou encore qu’elle a simplement visité pour transmettre au lecteur la mémoire du site, sa légende, la cuisine qu’il proposait ; parfois une indication sur la végétation et plus souvent une autre météorologique. Cette publication est une véritable œuvre de mémoire, de nostalgie gustative, la perpétuation du Japon légendaire avant qu’il s’enfonce dans la consommation effrénées de produits standardisés et banalisées. L’auteure donne avec un luxe de détails et de précisions la composition des divers menus proposés, ils sont très nombreux dans les restaurants japonais, la constitution de chacun des plats allant parfois jusqu’à la recette complète, divulguant même certains secrets de fabrication. Yokö Hiramatsu ne se contente pas d’évoquer la cuisine, elle évoque aussi abondamment des boissons, bière (elle consacre un passage fort élogieux à la bière belge) et saké surtout, qu’elle déguste avec beaucoup de gourmandise mais avec mesure bien évidemment. Elle est tellement enthousiaste, si convaincante, si gourmande qu’elle pourrait convaincre un Occidental comme moi très peu attiré par la nourriture orientale même quand elle est dite gastronomique.

Yokô Hiramatsu prône une cuisine composée de produits naturels qu’ils soient végétaux ou animaux. C’est une écologiste mais une écologiste gourmande, elle vante la consommation de produits naturels, meilleur gage de bonne santé et de bon goût. Elle ne pense pas que manger de la viande soit une insulte au règne animal, au contraire, pour elle « Manger de êtres vivants, c’est pour l’homme une façon de marquer son respect envers la nature, de lui dire sa gratitude, de l’accompagner ». Elle est bien loin des différents courants alimentaires qui envahissent nos médias sans le moindre respect pour l’avis des autres. Les « végans » et autres chipoteurs feraient bien de lire attentivement ses conseils culinaires avant d’asséner ce qu’ils croient être des vérités universelles. En lisant ce livre et celui de Lu Wenfu, le célèbre auteur chinois de « Vie et passion d’un gastronome chinois », le lecteur aura un autre regard sur la gastronomie orientale et, plus généralement, sur la manière de se nourrir.

Ces chroniques sont écrites avec douceur et sensualité, elles évoquent une gourmandise très raffinée, très raisonnable, l’auteure décrit l’art de bien manger, de manger avec plaisir sans jamais se goinfrer même si son assistant fait parfois preuve d’un solide appétit. Elle semble toujours baigner dans une ambiance onirique et bienheureuse comme si le fait de se nourrir en respectant la tradition japonaise assurait à chaque jour joie et bonne humeur. Ce livre c’est un véritable manuel de la conservation des arts et traditions culinaires : « … les goûts qui nous attirent sont tous élaborés autour d’une constante qui entre en résonance avec notre palais. C’est cela qu’il nous faut savourer. Et préserver ». Yokô Hiramatsu présente la gastronomie japonaise comme une composante incontournable de la culture et de la civilisation nipponne. Manger n’est pas que se nourrir c’est aussi s’imprégner de la culture des ancêtres et des arômes, des goûts, des saveurs, …, du pays pour perpétuer l’art d’y vivre en harmonie avec la tradition. Ces chroniques culinaires sonnent comme un petit rappel à la raison et au bon sens des valeurs ancestrales après l’explosion économique du Japon qui a provoqué le déferlement de produits et de mœurs peu compatibles avec les coutumes ancestrales.

Editions Picquier

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