Au prochain arrêt je descends – Daniel Simon
Habituellement, je ne lis pas la quatrième de couverture pour ne pas risquer d’être trop influencé dans ma lecture, pour garder toute ma fraîcheur et mon innocence face à l’auteur et à son texte. Mais avant de lire ce recueil, apercevant la signature de Daniel Fano, j’ai souhaité voir ce qu’il pensait de cet opus et une fois ma lecture terminée je suis bien obligé de reconnaître que ce qu’il a retenu de la sienne contient pratiquement tout ce que je pourrais dire de ce texte. « Voilà un poète qui va toujours plus loin en amont. Vers l’enfance. pas forcément la sienne. Toujours celle du monde. Sa parole, comme la musique ne s’explique pas, elle implique. Elle dépasse les significations pour atteindre le domaine du sens et de la mémoire, elle accompagne et nomme les choses dans leurs mouvement ». Daniel Fano je ne l’ai jamais rencontré mais je connais la finesse de son jugement et son talent d’écrivain.
Comme Fano, j’ai senti cette nostalgie de l’enfance, cette envie de retourner au pays qu’il parcourait à cette époque, j’ai apprécié la musique des vers et leur rythme malgré leur grande liberté. Certains textes sont même rédigés en prose poétique. Mais, au-delà, j’ai aussi ressenti une chose que je n’ai peut-être jamais constatée dans un poème, j’ai eu l’impression de toucher, de sentir sous mes doigts, sur ma peau, les choses que Daniel Simon évoque.
J’ai noté quelques thèmes récurrents qui reviennent dans ses poèmes : le vent, omniprésent, qui rappelle les campagnes du plat pays qui est le sien, « Un texte pour le vent du nord, le meltem, le siroco, l’alizé, le noroît, … » ; le temps, le temps qui passe et qui entraîne vers la mort, « Le temps peine à demeurer en place » ; la nuit, hôte de tous les cauchemars et autres visions, « Des nuits de rêves, de cauchemars, de visions, d’éclats, de tumultes …. » ; Les choses simples qui ont meublé le passé, l’enfance, la jeunesse, « Nos histoires sont de plus en plus simples, Des histoires à deux temps, il tire il est mort …. » ; et les mots qu’il faut mettre sur ce passé pour nourrir la mémoire, « Les mots sont cabosses, vilebrequins, glaïeuls, apostrophes, génocides, desserts et autres cosses calcaires d’une langue ouverte comme une cage aux barreaux dispersés ».
Dans ses vers elliptiques, un peu hermétiques mais très poétiques, Daniel Simon raconte son enfance dans son plat pays parcouru par le vent, là où sont enterrés beaucoup de soldats de vains combats, là où la civilisation européenne pourrait trouver une âme sur la tombe de ces soldats massacrés pour une cause qu’ils n’ont même pas comprise. Il est parti à la recherche « Des nids des caches des mots perdus… » pour projeter un avenir sur les fondements d’un passé presque oublié.
Ainsi, Daniel Simon m’a ramené vers le « Pauvre Rutebeuf », j’ai alors écouté ce magnifique texte chanté par le grand Léo, Ferré, et j’ai entendu : « Ce sont amis que le vent emporte », des paroles que Daniel aurait pu écrire dans son recueil après ces quelques vers :
« Mes amis
Qui sont-ils
Vivants fantômes d’avant
Mes amis
Où êtes-vous tombés
Disparus ? »
Après la lecture de ce recueil, on pourrait aussi chanter avec Léo et Daniel : « Avec le temps, Avec le temps va, tout s’en va… »
Les carnets du dessert de lune