Toujours aussi jolie – Carine-Laure Desguin
Ils étaient trop jeunes, pas assez sérieux, pour qu’on puisse accepter l’idylle qui risquait de les emmener dans un avenir que ni la famille de la jeune fille, encore une enfant, ni celle du jeune homme, bien trop jeune, ne pouvait envisager. Alors, la jeune fille a été envoyée au pair en Angleterre, ce qu’elle accepta bien vite car, avec le garçon ils avaient formulé le plan de s’y retrouver. Hélas l’histoire ne s’est pas écrit comme ils l’avaient prévu, la jeune fille appris un jour que le jeune homme n’avait pas survécu à un accident.
Bien des années après, elle rentre au pays, au Pays Noir comme on désigne souvent la région de Charleroi longtemps restée sous la poussière dégagée par les mines. Faisant étape à la gare du Midi, à Bruxelles, elle voit, croit voir, croit reconnaître, deviner, une personne qui lui a été particulièrement chère : illusion, hallucination, ressemblance… ? Elle ne sait que penser, elle est un peut perturbée, déstabilisée. De retour à Charleroi, elle retrouve sa ville, tout a changé, rien n’a changé, elle retrouve, les rues, les commerces, les cafés, même lui, le personnage qu’elle a vu à la gare, semble toujours être là, dernière une colonne, au coin d’une rue, là un peu plus loin à peine dissimulé, jamais à portée de voix. Chaque fois, elle fait des photos pour qu’elle puisse témoigner sans qu’on la prenne pour une folle.« Elle se dit que finalement, ces photos insolites viennent pimenter son destin, que rien n’arrive par hasard, que ce hasard n’existe pas, qu’il n’est que le reflet de nos pensées. »
Avec cette nouvelle, comme elle sait si bien en écrire, un texte élégant, incisif, émouvant, agrémenté de jolies fulgurances, Carine laure Desguin emmène le lecteur sur un rythme vif et soutenu, un rythme tenant en haleine jusqu’à la chute, dans longue interrogation sur le rôle que pourraient jouer le hasard, le refus de la vérité, la négation de la destinée, le force de la fidélité, la résilience. Elle entraîne le lecteur dans un monde bien connu qui pourtant recèle des interrogations fort perturbantes à qui n’accepterait pas de croire en d’autres vérités moins cartésiennes que celles qu’on accepte habituellement. Il faut attendre la chute pour comprendre réellement cette histoire troublante.
Au moment de rédiger cette note, j’ai soudainement pensé à Georges Rodenbach, à ma lecture de « Bruges la morte » et au « Pari Illusionniste » ce mouvement littéraire qui évoque l’illusion recréée d’un être existant qui s’évanouit quand le double rencontre son modèle, comme « L’Eve future » de Villiers de l’isle-Adam. Carine-laure Desguin a certainement lu ces auteurs, aurait-elle pensé à Eve, à l’épouse et à la maîtresse de Viane quand elle a relevé le défi de traiter le problème du double, de l’apparence, de l’illusion ? je ne sais mais on peut relier cette nouvelle aux œuvres de ces auteurs maitres en illusion, et je laisserai ma conclusion à Georges Rodenbach : « La ressemblance est la ligne d’horizon de l’habitude et de la nouveauté ».
Merci cher Denis pour cette belle note de lecture!
UN bon texte donne forcément une bonne note de lecture !
Voici qui donne bien envie de le lire, j’en avais envie alors qu’il était en rédaction, maintenant je ne tiens plus en place
Et tu ne seras pas déçue !