Elise et Lise – Philippe Annocque
J’ai lu ce livre comme un recueil de textes courts, les chapitres qui composent la dernière publication, à ma connaissance, d’Annocque peuvent se lire comme des textes indépendants, ils forment chacun un tout même si un fil rouge les relie. Ils évoquent, pour un ou deux protagonistes, une posture, un ressenti, des intentions, des manœuvres, des états d’âme, des sentiments, … mais jamais des faits tangibles ou des dialogues concrets qui pourraient construire une histoire. Et même s’il n’y a pas d’histoire, il n’y en a jamais chez Annocque, il y a tout de même, en creux, comme une intrigue qui émerge car le lecteur cherche à comprendre le titre du livre : Elise et Lise ou Elise est Lise. Dans chacun des courts chapitres de son récit, environ une page et demi, l’auteur sème un petit caillou blanc qui montre le chemin que le lecteur pourrait suivre pour dénouer cette intrigue.
Le lecteur essaie de comprendre comment les quatre personnages qui peuplent le récit peuvent interagir pour résoudre l’énigme coulée dans le titre de l’ouvrage. Tous, après avoir vu comment Lise se rapproche d’Elise, imite Elise, copie Elise, prend la place d’Elise, se fond dans Elise,… au fil des paragraphes, penseront certainement qu’Elise est Lise. Mais l’auteur développe son intrigue au-delà de cette constatation qui figure déjà dans le titre du livre. Alors, moi j’ai admis qu’Elise et Lise étaient les deux personnages d’un conte imaginé par Sarah l’étudiante en deuxième année de littérature qui étudie les faux héros dans les contes de Perrault et des Grimm, principalement dans des contes comme La gardeuse d’oies. Elles seraient les fausses héroïnes d’un conte où la souillon voudrait prendre la place de la princesse, et Luc ne serait lui aussi qu’un faux héros, un faux prince charmant qui aurait manqué sa mission. Et peut-être que LiseElise n’est que la métaphore des études qui éloignent Sarah de son prince charmant à elle qu’elle n’a pas le temps de charmer. Elle dit Sarah, même l’éditeur l’a remarqué, « Quand on lit un conte, on lit une histoire et on a l’impression que l’histoire raconte autre chose que ce qu’elle raconte ». Mais cette histoire n’est que la mienne d’autre la verront peut-être autrement.
Je n’ai pas relu tous mes Annocque mais je crois que celui-ci est celui que je préfère, j’aime sa construction, j’aime les possibilités d’interprétation que l’auteur m’y laisse, j’aime sa rédaction avec des chapitres courts et des phrases courtes, dépouillées, précises même s’il a abondamment usé de la répétition pour préciser certaines choses ou pour insister sur certains points. Je ne sais pas si ce processus littéraire a un nom, il consiste à énoncer un fait, un état, et à le répéter avec une précision supplémentaire (elle était grande, elle était vraiment grande, elle était belle, elle était belle comme une princesse). Ce processus permet de mettre en évidence les points essentiels du récit, ceux auxquels l’auteur veut donner de l’importance ou plus de poids. Et cette ambiance de conte de fée m’a ramené vers mon enfance où beaucoup de contes m’ont émerveillé.