Plaisirs d’été – Herman Bang
Né dans le Jutland danois en 1857, Herman Bang a effectué de longs séjours à l’étranger notamment en France où il a introduit le théâtre d’Ibsen et de Strindberg. Il est l’auteur de plusieurs romans et de nombreux articles de presse. Dans le présent texte qui ressemble plus à une longue nouvelle qu’à un véritable roman, il met en scène un couple ayant exploité successivement plusieurs métairies, de moins en moins rentables, avant de liquider leur matériel de culture et d’élevage pour prendre en gérance un hôtel. Hélas cet hôtel n’a pas de clients et le couple continue de vivre avec un crédit de plus en plus difficile à obtenir auprès des fournisseurs et notables de la ville. Comme les soldats de Dino Buzzati, ils attendent avec moins moins de foi non pas des Tartares mais seulement des clients dépensiers et solvables.
Et puis soudains sans qu’on les attende précisément ce jour-là, les touristes débarquent comme les Tartares de Buzzati ont envahi le fort tenu par les soldats. Même s’ils étaient attendus avec impatience, c’est la surprise totale, rien n’est prêt pour accueillir cette horde de voyageurs, tout manque de la lingerie, à la cave en passant par la resserre. Il faut héberger cette population, la nourrir, la distraire et la retenir si possible. Cette population n’est pas n’importe laquelle, elle comporte des notables, des enrichis, des dandys, des gens suffisamment riches pour dépenser l’argent nécessaire aux hôteliers pour rembourser leurs dettes et repartir sur un meilleur pied.
A travers cette folle soirée où les aubergistes et leur personnel se démènent comme des beaux diables sous le regard dubitatif de la population locale, pendant que leurs hôtes s’organisent pour passer la meilleure soirée possible dans cet hôtel miteux, Herman Bang dresse un portrait vivant et alerte de la population danoise au moment où les marchands nouvellement enrichis prennent la place des aristocrates toujours conscients de leur importance mais de moins en moins riches, sous le regard des classes laborieuses qui essaient de ramasser les miettes du festin qui leur échappe. C’est un bon témoignage de l’importance prise, au contour des XIX° et XX° siècles, par les marchands dans cette région de passage obligé pour de nombreux trafics.