28 octobre 2017 ~ 0 Commentaire

Eleveurs de rennes – Omruvié

Au pays de Valentina Veqet, le territoire des Tchouktches, à l’extrême nord-est de la Sibérie, le pays qu’elle a raconté dans « Peaux de phoque », Ivan Omruvié situe ce roman qui raconte lui aussi la vie de ce peuple nomade suivant son troupeau de rennes au gré des saisons et des pâturages qu’il découvre. Ce livre ne serait pas réellement un roman mais plutôt un documentaire sur le peuple tchouktche, s’il ne racontait pas l’opposition entre deux parties de ce peuple au moment de choisir entre la sédentarisation imposée par le pouvoir soviétique et le nomadisme des ancêtres. Après la guerre à laquelle les Tchouktches ont participé, au moins en donnant des rennes pour les attelages militaires parcourant les étendues glaciales de la Sibérie, ils durent opter pour une solution en étant fortement incités pour choisir la nouvelle.

Omruvié, à travers les deux principaux protagonistes de ce roman, mets en scène les deux solutions possibles qui s’offraient à ces éleveurs au moment où le modernisme a atteint les confins de l’Asie du nord-est. Maravié gros éleveurs des régions les plus reculées ne veut pas entendre parler de collectivisme et autres formes de mise en commun des troupeaux, il veut garder son indépendance et gérer son troupeau comme ses ancêtres l’ont toujours fait.

 « Maravié eut un rire machinal. Que dire ? Il prit sa respiration et parla : soviet national, base culturelle, jaran’e (yourte) rouge, komsomol… Ils se jettent tous sur nous. On dirait une meute de loups qui veut nous exterminer. »

A l’opposé, Enqev, plus jeune, veut vire selon la vie nouvelle pour réduire le poids de sa tâche mais aussi pouvoir offrir par l’instruction une autre vie à ses enfants, une ouverture sur le monde même si lui n’a qu’un objectif : être un bon éleveur.

« … comment aurait-il pu, sans être secondé, veiller sur le troupeau qu’il avait hérité de son père ? C’était impossible. Vivait-il plus mal depuis qu’il était devenu berger selon la nouvelle vie, depuis que son troupeau faisait partie du bien commun ? Certes non ! »

L’auteur ne semble pas tout à fait indépendant dans le débat qu’il met en scène, il penche nettement pour les éleveurs qui rejoignent la collectivité, ce sont évidemment les bons qui ont tout compris alors que les autres ne sont que des mauvais retors et violents qui ne pensent qu’à eux en exploitant leurs bergers. Il fait dire à un berger la bonne parole qu’il semble vouloir prêcher dans ce roman :

« Nous sommes des maîtres et des éleveurs. Nous avons compris qu’il valait mieux garder les rennes ensemble. Notre vie sera profitable à tous,…. »

Comme Galsan Tschinag l’a raconté dans « Ciel bleu » à propos des éleveurs de l’Altaï mongol, le collectivisme apportait la culture et l’instruction mais détruisait une civilisation. Les Tchouktches n’ont pas échappé à cette destruction surtout après l’effondrement du monde soviétique, il suffit de lire « Unna » et les autres romans de Iouri Rythkeou pour en être convaincu.

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