16 avril 2017 ~ 0 Commentaire

Magellan – Stefan Zweig

Quel plaisir d’embarquer avec Magellan sur la prose de Stefan Zweig pour accomplir le tour du monde à la quête du pays des épices en empruntant la route de l’ouest, celle qui inéluctablement contourne le nouveau continent découvert par Colomb.

« Au commencement étaient les épices. ». Si les Romains n’avaient pas goûté aux mets épicés de l’Orient, si les chevaliers chrétiens n’avaient conquis que des lieux saints et n’avaient pas succombé aux délices de la Terre sainte, l’humanité aurait certainement attendu encore quelques décennies avant de savoir définitivement que la terre est bien ronde et que le temps n’est pas que celui égrené par les cloches des églises et monastères.

Ces épices trouvées à profusion par les Portugais, aux Moluques notamment, pour un coût dérisoire, on peut se les procurer aisément en contournant la barrière dressée par l’Islam entre les pays producteurs et les pays consommateurs, en empruntant la route de l’est ouverte par Vasco de Gama mais peut-être aussi en naviguant dans le sillage de Colomb, vers l’ouest, en contournant l’immense continent qu’il a découvert, par le sud. Magellan est convaincu que ce passage existe réellement, il a trouvé des cartes dans les trésors de la bibliothèque du roi du Portugal et son géographe a confirmé, par ses calculs, cette hypothèse. Le roi du Portugal ne veut pas l’écouter ? Alors, il s’adresse à celui d’Espagne qui accepte finalement de monter l’expédition car toutes les terres découvertes en partant à l’Ouest jusque à celles déjà connues des Portugais lui appartiendront, en vertu d’une décision papale.

Après moult discussions, déboires, espoirs, trahisons et soutiens inespérés, Magellan peut quitter Séville en grande pompe et naviguer vers l’ouest mais le passage n’est pas là où il pensait le trouver et il doit descendre toujours plus vers le sud, vers le froid, vers l’inconnu. Les matelots sont las, ils ont peur, des capitaines trahissent, d’autres désertent. L’expédition exténuée trouve enfin le passage et navigue sur un océan inconnu où elle ne rencontre que le calme et la faim. Au bout d’un long calvaire, Magellan accoste aux Philippines, terre alors inconnue, où son esclave malais comprend en partie la langue de certaines personnes qui fréquentent le port : la boucle est bouclée. Mais le sort qui semble s’acharner sur tous les grands découvreurs de cette époque – y compris les écrivains (Camoens et Cervantès par exemple) – n’épargne pas Magellan. Il n’achèvera pas l’œuvre de sa vie, la gloire ira à celui qui, le premier, l’avait trahi, et rentre à Séville avec un seul navire, le plus petit de la flotte, dix-huit hommes, et une cargaison d’épices suffisante pour rentabiliser l’intégralité de l’expédition et même laisser un petit bénéfice.

Magellan, personnage peu agréable, était un homme d’une grande rigueur, d’une grande méticulosité et d’une grande ténacité. Autoritaire et illuminé, totalement voué à sa mission. « Il ne savait ni sourire, ni plaire, ni se rendre agréable ; il était en outre incapable d’exposer ses idées avec éloquence. » Mais il savait se faire respecter de ses hommes y compris par la force brutale si c’était nécessaire. Sa seule arrogance commise lui fut fatale. Toutes ses cartes et ses calculs étaient faux mais sa conviction et sa ténacité lui ont ouvert le passage du sud : une porte vers une nouvelle conception de notre planète et une autre approche du temps comprise par Pigafetta quand il constata, peu avant de revoir Séville, qu’un jour avait disparu du journal de bord qu’il tenait pourtant soigneusement. Il semblait habité par cette certitude issue de l’époque gothique qui avait vaincu tous les doutes, les craintes et les angoisses qui habitaient le Moyen-âge à l’époque romane.

Il a accompli « … le plus magnifique odyssée, peut-être, de l’histoire de l’humanité que ce voyage de deux cent soixante-cinq homme décidés dont dix-huit seulement revinrent sur un des bâtiments en ruines, mais avec la flamme de la victoire flottant au sommet du grand mât. » Avec l’ère des grandes odyssées maritimes, les Temps modernes étaient définitivement installés et le Moyen-âge était relégué dans les pages de l’histoire.

Pour décrire ce passage essentiel de l’histoire de l’humanité, Zweig a non seulement usé de son immense talent littéraire, il a aussi fait œuvre d’historien, s’abreuvant aux meilleures sources ; s’il n’a pas eu accès au journal de bord de Pigafetta qui a malheureusement, pas pour tout le monde, disparu, il a pu consulter le compte-rendu de l’expédition que le jeune matelot a rédigé, après coup, pour redorer le blason de son maître sérieusement écorné par les mutins qui ont ramené le survivant de la flotte à bon port. Ainsi, il a pu faire la juste part des choses et rendre à Magellan ce qui est Magellan sans sombrer dans une apologie aveugle, mettre en exergue les différents aspects de l’expédition : humains, politiques, religieux, économiques et même philosophiques. « L’exploit de Magellan a prouvé, une fois de plus, qu’une idée animée par le génie et portée par la passion est plus forte que tous les éléments réunis … »

Laisser un commentaire

An Other Fake Artist |
Nouvelleshorrifiques |
Twexter |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | FUYONS, LISONS !
| Taqbaylitiw
| Debauchesetperversions