Un coeur de trop – Brina Svit
Brina Svit tricote des histoires d’amour comme d’autres tricotent de la layette, avec beaucoup de finesse et d’élégance, même si elle y glisse parfois une petite note pathétique. Dans ce livre elle raconte les amours tardifs de Lila, quarantenaire slovène qui vit depuis longtemps à Paris où elle est mariée à Pierre, ancien amant de sa meilleure amie, Simone. Lila doit retourner dans son pays pour assister à l’enterrement de son père, elle découvre alors que celui-ci lui a légué une maison sur le lac de Bled qu’il a achetée spécialement pour elle, et dont, dans un premier temps, elle ne veut pas. Mais, après une rencontre au hasard d’une promenade dans la nuit, elle s’installe dans cette maison où elle se trouve bien et décide de rester un certain temps qui se prolonge de jour en jour. Elle coupe implicitement les ponts avec son quotidien : mari, fils, métier – nez dans les parfums -, amie, etc.… pour vivre autre chose entre un médecin qui l’aime et un vieux grand maître aux échecs qui voudrait bien l’aimer lui aussi.
Elle veut vivre cet amour du soir de la vie avec l’homme qu’elle a rencontré dans la nuit, vivre une idylle peut-être éphémère, ils le savent bien, mais elle veut vivre ces instants pleinement sans se préoccuper de savoir ce qui arrivera plus tard, elle veut connaître encore l’amour car à quarante ans on peut encore aimer et vivre des choses exaltantes. Dans la maison léguée par son père, elle trouve un manuscrit qui raconte son enfance, alors elle ne peut plus quitter ce lieu où est son histoire, où est son nouvel amour, où sont ses racines qu’elle n’a jamais cultivées jusqu’alors.
Brina Svit reconstitue le trio rituel mari, épouse, meilleure amie, qui se confrontent aux contours de la quarantaine en déterrant les fantômes de la jeunesse quand le mari a choisi entre les deux femmes, un voyage dans le temps et l’espace au gré des souvenirs et humeurs. Brina est une grande spécialiste des affaires cœur et notamment des amours tardifs, elle décortique les sentiments et les états d’âme avec une précision chirurgicale plongeant le lecteur au cœur des passions qui se nouent et se dénouent sous sa plume avec une grande légèreté et beaucoup d’élégance. Le métier de Lila, nez dans la création de parfums et arômes, lui permet de donner une touche très sensuelle à son texte où les odeurs prennent une place prépondérante.
Avec de très nombreuses références culturelles qui dépassent largement le cadre habituel de la littérature et de la musique, elle montre l’étendue de sa culture, une culture bien parisienne pour une Slovène. Elle écrit l’amour, l’amour difficile, l’amour qui demande des sacrifices, l’amour qui mérite bien ces sacrifices. Un amour vaut toujours la peine d’être vécu, les Slovènes ne sont pas slaves mais Brina Svit semble avoir l’âme bien sentimentale dans cette histoire empreinte de romantisme.