04 janvier 2016 ~ 0 Commentaire

Christie Malry règle ses comptes – Bryan Stanley Johnson

Au début des années soixante-dix, dans la ville natale de l’auteur, Christie Malry, occupant un emploi minable mais garanti dans une banque, décide cependant de l’abandonner pour apprendre la comptabilité afin de mieux comprendre les manipulations d’argent enrichissant grassement certains. Il découvre ainsi la comptabilité en partie double dont il déduit un mode d’organisation de sa vie structuré en débits pour les torts qui lui sont causés et en crédits pour les torts qu’ils causent à ceux qu’ils jugent coupables de l’avoir lésé. Pour que le compte de sa vie soit équitable, il faut donc qu’il inflige autant de torts, à ceux qui l’ont lésé, qu’il en a reçus de leur part. Il s’embauche ensuite dans une pâtisserie industrielle pour mettre en pratique ses nouvelles compétences et sa nouvelle conception de la vie en société.

Dans ce roman BS Johnson ce livre à un exercice d’innovations formelles en insérant dans le texte des incursions dans le cerveau du héros et en y laissant même des blancs pour matérialiser les moments de réflexion permettant la construction de la pensée nécessaire à l’élaboration de certaines actions. Mais surtout en intégrant dans le livre quelques documents comptables permettant d’évaluer la situation du héros par rapport à ses débiteurs et créditeurs (il faut aussi considérer la façon dont le héros évalue les torts qui lui sont infligés et les actions qu’il conduit en retour, il n’est pas nécessaire de bien connaître la comptabilité pour savourer les comptes présentés). Cette ingérence d’un élément fondé sur les mathématiques dans le texte du roman n’est pas sans rappeler le recours qu’Italo Calvino a fait à la géométrie pour construire son roman « Palomar ». Autre innovation, les personnages font partie de la construction du roman comme les acteurs font partie d’une pièce de théâtre, ils discutent avec l’auteur du scénario qu’il doit suivre.

Dans ce texte drôle, cynique, cruel, glacial, qui va parfois très loin, jusqu’à inciter, de façon plutôt loufoque cependant, à la destruction physique du monde, Johnson règle aussi ses comptes avec l’économie libérale, la société industrielle productiviste, l’industrie alimentaire de la malbouffe, les administrateurs d’entreprises profiteurs et incompétents et tous les petits chefs zélés et médiocres. C’est aussi un texte à portée sociale visant à dénoncer l’iniquité et la perversion du monde de l’entreprise libérale et à annoncer sa fin prochaine. Il ne cache pas non plus son aversion à l’endroit des gouvernants et sa violente opposition au pouvoir en place au début des années soixante-dix en Grande Bretagne, laissant pointer un désespoir profond : « je n’aurais pas dû me donner autant de mal : tout est inutile, futile, stérile ».

BS Johnson profite aussi de l’écriture de ce texte pour donner son opinion sur l’évolution du roman à la fin du XX° siècle : « … qui veut encore lire de longs romans de toute façon ? Pourquoi passer tout son temps libre de la semaine à lire un roman de mille pages alors que l’on peut vivre en une seule fois une expérience esthétique comparable devant une pièce de théâtre ou un film ? Il se justifiait au sein d’une société et d’un ensemble de conditions sociales qui n’ont plus cours aujourd’hui ». « A partir de maintenant, le roman devrait seulement essayer d’être Drôle, Brut et Court… » Propos qu’il met parfaitement en pratique dans le présent texte.

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