10 décembre 2015 ~ 0 Commentaire

Tant et tant de chevaux – Luiz Ruffato

En entrant dans de ce livre, j’ai eu une drôle d’impression : l’impression de voir un documentaire sans commentaire, un documentaire filmé par une caméra embarquée dans un véhicule qui se baladerait dans une immense mégapole surpeuplée au point d’en être déshumanisée. Sao Paulo, 9 mai 2000, Luiz Ruffato lâche sur la feuille sa plume qui dévale la ville comme un bolide dressant avec des mots-images des portraits d’une saisissante vérité, des portraits qui expriment la violence, la misère, l’horreur qui règne sur la mégapole, des scènes atroces, cruelles, révoltantes,… des morceaux de vie d’individus représentatifs de cette masse grouillante, suant, ahanant à la recherche de quoi vivre, respirer, espérer encore un peu ou croulant sous une richesse bien mal acquise.

Dans une ambiance qui semble inspirée de « Pixotte », Luiz Ruffato propose aux lecteurs sa vision de Sao Paulo, la mégapole gigantesque, trop grande pour être encore humaine, trop vaste pour permettre à chacun de vivre dignement. Pour rendre son témoignage plus crédible, il construit son texte comme la ville est érigée : de bric et de broc, de morceaux hétéroclites : textes sans ponctuation ni paragraphe, textes classiques, listes de mots, prose en vers, etc.…  Chaque petit chapitre, une ou deux pages, est différent du précédent et du suivant, chacun raconte un petit bout d’histoire, le plus souvent une tranche de misère.

Une expérience littéraire, une aventure dans un monde déshumanisé, déliquescent, dégénéré, apocalyptique. Un cri d’alarme lancé à la face du monde pour dire qu’une ville se meurt, qu’un peuple est sur le point de disparaître que l’humanité est en danger qu’elle pourrait se désagréger comme le texte de Ruffato qui se décompose en morceaux incohérents, dispersés, incapables de former un texte correctement formaté. Une performance littéraire, des images saisissantes :

 « …

Je l’ai dit  le crâne est un sacré bonhomme

L’autre jour le crâne a été bloqué à l’entrée de la favela

La police militaire faisait une descente

Lui a demandé de présenter ses papiers

L’emmerde il n’avait même pas sa carte d’identité

La police lui a ordonné de se coucher sur le sol dégueu

La figure dans la rigole qui sert d’égout

Ensuite ils l’ont jeté dans le fourgon et ont disparu

Dans cette sao paulo immense

Ils l’ont tabassé torturé

Mis en piteux état lui le crâne

Maintenant je vais à la baraque prendre mon glock chez le crâne

… »

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